Derruelle Benjamin

Parutions

Rédaction de 5 chapitres sur la première modernité par Benjamin Deruelle, MCF IRHiS, en détachement à l'Université du Québec à Montréal
Drévillon Hervé, Wieviorka Olivier, Hélary Xavier, Deruelle Benjamin, Crepin Annie, Gainot Bernard, Histoire militaire de la France, I. Des Mérovingiens au Second Empire, Perrin, Ministère des Armées, 2018, 550 p.

Que la guerre ait contribué à la construction institutionnelle et sociale de la France relève de l’évidence, d’autant que l’armée représente un élément fondateur de l’État-nation. Pour mieux comprendre la nature des liens unissant les Français à leur armée comme la guerre à l’État, il fallait rendre compte de 1 500 ans d’histoire. Dans sa globalité. Car le fait militaire dépasse les grands cadres d’organisation, le matériel ou les structures de l’armée ainsi que sa composition... Il oblige à penser le rapport au politique ainsi qu’à la société dans son ensemble et incite à revenir sur les engagements, en réfléchissant sur la stratégie et la tactique, en décrivant les grands conflits, en s’attardant, enfin, sur la réalité du combat, l’armement, la violence de guerre et son imposition aux civils.
Ce premier tome s’ouvre avec les Mérovingiens pour se conclure sur la guerre franco-prussienne de 1870. Non que l’on puisse dès le Ve siècle parler de la France en tant que telle, mais il est nécessaire d’insister sur une forte continuité, matérialisée par le titre de Rex Francorum, "roi des Francs", porté par les souverains de trois dynasties sur plus de mille ans. A l’époque moderne, la figure du roi puise dans la guerre le fondement même de sa souveraineté, à l’image de François Ier recevant à Marignan son sacre militaire ou de Louis XIV, "roi de guerre" par excellence. La gloire du souverain mobilisa alors, avec une ampleur et une intensité inédites, les ressources du royaume et contribua ainsi à l’affirmation de la nation, qui se constitua en corps politique souverain avec la Révolution française.
La formation d’une armée véritablement nationale se combina alors avec d’autres innovations, telles que le système divisionnaire, qui conférèrent aux armées une efficacité et une mobilité inédites, dont Napoléon sut exploiter tous les avantages, au point de se laisser griser par cette faculté de porter le danger au cœur des territoires ennemis. La défaite de Waterloo ne mit pas fin à l’ambition d’étendre la domination française à des territoires lointains, mais cette stratégie impériale quitta l’horizon européen pour investir les espaces coloniaux. Ainsi, des champs catalauniques aux contreforts des Aurès, l’histoire militaire de la France raconte la genèse d’une riche et passionnante relation entre la nation, l’État et le territoire.