Vieil-Hesdin (Pas-de-Calais) : une ville médiévale et moderne au cœur d’un projet de recherche interdisciplinaire

Responsables : Mathieu Vivas (IRHiS, ULille), Adrien Bayard (CREHS, UArtois)


Du Xe siècle à juillet 1553, Hesdin – aujourd’hui Vieil-Hesdin – est un pôle urbain et économique florissant, un lieu artistiquement prospère et politiquement important (fig. 1). La ville se situe dans un comté aux mains des princes d’Artois – dont la plus célèbre reste indéniablement Mahaut – puis des ducs de Bourgogne, des rois de France ou de l’Empereur. Dans le nom de la commune actuelle, l’adjectif « vieil » témoigne du sort que Charles Quint a réservé à la ville après son siège de juillet 1553 : comme pour sa voisine Thérouanne, il commande sa destruction.

Depuis 2019, la ville médiévale et moderne d’Hesdin – aujourd’hui Vieil-Hesdin – est au coeur d’une recherche interdisciplinaire. Depuis trois ans, elle bénéficie en effet d’étude archivistique (sources textuelles et iconographiques), d’un inventaire du mobilier mis au jour lors de fouilles déroulées dans les années 1970, de reconnaissances de vestiges sur le terrain, d’une prospection électromagnétique et d’un relevé topographique Lidar (fig. 2). Trois campagnes programmées de fouilles et d’observations archéologiques du bâti y ont également été réalisées (juillet et novembre 2021, juillet 2022), campagnes dirigées par Mathieu Vivas (UdL, IRHiS, IUF) et Adrien Bayard (Univ. d’Artois, CREHS) et auxquelles participent, chaque année, six à huit éudiantes et étudiants lillois et arrageois. Ce projet est financièrement soutenu par plusieurs institutions dont, entre autres, la DRAC Hauts-de-France et le Service Régional de l’Archéologie, la mairie de Vieil-Hesdin, les universités de Lille et d’Artois, le Centre de Recherche et d’Études Histoire et Sociétés (UR 4027) ainsi que l’Institut de Recherches Historiques du Septentrion (UMR 8529). Il fédère également plusieurs chercheuses et chercheurs issus principalement de ces établissements, mais également rattachés à l’Université Picardie Jules Verne ou au laboratoire Histoire, Archéologie et Littérature des Mondes Anciens (UMR 8164). Enfin, l’enceinte urbaine et le château intègrent les réflexions menées au sein du Projet Collectif de Recherches Places fortes des Hauts-de-France dirigé par Thomas Byhet-Bonvoisin (SRA).

Les investigations archéologiques de 2021 ont été menées sur trois espaces : l’ancienne place du marché, une portion de l’enceinte et la tour de Beaumont ainsi qu’une cave.

Pour la place du marché (fig. 3), la fouille sédimentaire a permis de reconnaître deux périodes : une datée des alentours du Xe-XIe siècle et une s’échelonnant de la fin du Moyen Âge au début de l’époque moderne (XVe-XVIe siècle). Toutefois, on notera dans les strates les plus récentes du mobilier des XVIIe-XXe siècles.

La première phase correspond à un four à languette de potier, structure artisanale qui n’a été que partiellement distinguée en fond de sondage [SDG 1]. La seconde phase comprend, d’une part, deux structures perçues grâce à leur sol de fragments de craie compactés et agrémenté de trous de poteau, mais dont la fonction reste encore à préciser (bâtiment ? place ? cour ?) [STRUC. 1 et 2] et, d’autre part, de deux bâtiments d’orientation nord-sud et fonctionnant ensemble. L’un est formé d’un solin de briques ayant supporté une charpente de bois, d’un sol de cassons de craie mélangés à du mortier [BÂT. 1], ainsi que d’une cave dont deux murs – plus anciens ? – assisés de blocs de craie taillés ont été révélés par la fouille. C’est dans un niveau d’effondrement à l’intérieur de cette cave qu’a été découverte une console sculptée d’un ange (XIVe siècle) (fig. 4)[1]. Cet édifice central fonctionne également avec un bâtiment excavé [BÂT. 2], une annexe servant sans doute au stockage et à l’artisanat. La découverte de nombreux os longs d’animaux avec des marques de sciage et de découpe invite à discuter la présence d’un espace réservé – à un moment donné – à la tabletterie[2]. Cet ensemble présente des niveaux de destruction pouvant être datés entre le second quart du XVIe siècle et le troisième quart de ce même siècle. Enfin, l’apport de cette investigation sur la place du marché concerne également le mobilier des XVIe-XVIIIe siècle (monnaies, céramiques et pièces métalliques) qui prouve que la ville était toujours occupée après sa « destruction » de 1553, mobilier qui se rattache à une période plus « française »[3].

Pour la tour et la portion d’enceinte (fig. 5), les trois sondages réalisés ainsi que les observations archéologiques du bâti permettent de comprendre la chronologie de construction. Établi sur une levée de terre de 5 à 8 m de hauteur, surplombant un fossé de pratiquement 40 mètre de large, le rempart présente plusieurs appareils de constructions dont l’un, i.e. un agencement de silex noirs et de blocs de craie disposés en damier, peut être rattaché aux XVIe-XVIe siècles. La tour de Beaumont est de plan circulaire, édifiée en craie et mortier sur une hauteur d’environ 4 m et une largeur d’environ 7 m. La fouille sédimentaire a montré qu’elle n’était pas chaînée au mur d’enceinte, qu’elle était talutée et dotée d’un mur épais de 1 m à 5-5,50 m, mais aussi qu’elle était pourvue – en partie haute – d’un couloir infra mural et voûtée à son dernier niveau. Par comparaison typologique, la tour de Beaumont serait à rattacher aux tours à canon et d’artillerie apparues à l’extrême fin du Moyen Âge et au début du XVIe siècle.

Pour la cave, la fouille sédimentaire et les observations archéologiques du bâti informent aujourd’hui les techniques de constructions de celle-ci (fig. 6). Cette structure souterraine de stockage, dont l’entrée n’a pu cependant être révélée, semble répondre à des modes d’édification déjà connues (décaissement de l’espace, aménagement d’un banc périphérique pour recevoir les murs, remblai servant de radier au niveau de sol, voûte en berceau, etc.). Son attribution à une phase chronologique, en l’absence de découverte de mobilier archéologique datant et en l’attente des datations de mortiers, oscille encore entre le Moyen Âge et l’époque moderne.

Rapport de fouilles
         Vivas M. (dir.) & Bayard A. (co-dir.) (2021) : Vieil-Hesdin (62850), Place du marché, tour d’enceinte et cave, Rapport de fouille programmée, Institut de Recherches Historiques du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 2015, 3 vol.

Bibliographie
         Santamaria J.-B. & Vivas M. (à paraître 2023) : « Hesdin : un château de campagne ? L’exemple du principat de Marguerite de France (1361-1382) », dans Lecuppre-Desjardin É., Vivas M., Duceppe-Lamarre F. (dir.) (à paraître 2023) : La cour se met au vert. Mises en valeur et usages politiques des campagnes entre Moyen Âge et pré-modernité.
         Vivas M. & Bayard A. (2022) : « Vieil-Hesdin, la ville médiévale et prémoderne. Résultats des premières investigations archéologiques (2019-2021) », Bulletin Monumental (actualité), 180 (3), p. 242-246.
         Vivas M. & Bayard A. (à paraître 2023) : « Nouveau regard interdisciplinaire sur la ville de Vieil-Hesdin (Moyen Âge – Pré-modernité) », dans Mélanges en l’honneur de Bertrand Schnerb.

Notes
      [1] L’étude de cette console a été confiée à Marc Gil (IRHiS, ULille).
      [2] L’analyse des archéozoorestes a été menée par Tarek Oueslati (HALMA).
      [3] Les monnaies ont été étudiées par Jérôme Jambu (IRHiS, ULille) et les céramiques par Manuel Gomes (IRHiS).