Colloque — "Exils et séparations familiales au XIXe siècle, 1789-1914"
Colloque14-15 décembre 2023
Campus Condorcet, Paris
L’idée de séparation est contenue dans celle d’exil. Les exilé·e·s quittent un lieu mais aussi des personnes, souvent des proches. Qu’impliquent ces séparations familiales dans le contexte des exils du long XIXe siècle ? Conjugaux, amicaux, politiques, ou familiaux, ces éloignements plus ou moins difficiles ont des résonances et des conséquences diverses selon les contextes et les individus. La séparation en vient parfois à constituer la caractéristique même de l’exil : que fait-on à l’étranger, quand la cause politique stagne, si ce n’est regretter d’être « loin des siens » ? Le chantier des études sur les exils du XIXe siècle s’est récemment beaucoup enrichi en Europe et aux Amériques, mais le monde de la famille et de l’intime demeure moins bien connu, faute de sources aussi abondantes que celles qui renseignent les aspects politiques et juridiques du départ, du voyage et de l’installation dans un nouveau pays.
Après avoir exploré la dimension genrée puis enfantine de l’exil au XIXe siècle, le groupe d’études FAMEXIL, qui s’intéresse de plus près aux dynamiques familiales de l’exil politique, organise son colloque final sur la notion de séparation et sur ses implications sur les formes de l’exil, sur les exilé.es ainsi que sur celles et ceux qui restent au pays. Temporaire ou définitive, la séparation produit des documents – des lettres, mais pas exclusivement. Elle produit aussi des sentiments, des œuvres : l’éloignement du pays natal et du berceau familial donne souvent lieu à de nombreuses productions exilé.es, artistiques et/ou politiques. C’est aussi sur le plan juridique que les séparations sont fécondes : les nombreux exils politiques du XIXe siècle sont l’occasion pour les autorités nationales de formaliser des typologies des différentes façons d’être séparé·e·s de ses proches ; cela engendre aussi des conflits, des suppliques, des demandes de rapprochement familial. Enfin, le XIXe siècle étant aussi le moment d’une accélération technique et matérielle du monde, le rythme et l’ampleur des séparations s’y modifie considérablement au gré des évolutions des transports, de la poste et des sciences et techniques. Quelles sont les conséquences de cette accentuation et de cette démocratisation des mobilités sur le vécu des exilés ?
Le colloque international que nous organisons propose de réfléchir à cet éventail des possibles qui découle des séparations familiales dues à l’exil. Plutôt que de la voir seulement en creux, comme une souffrance et une fatalité, nous voudrions mettre l’accent sur ce que la séparation des familles par l’exil produit en termes de sources, mais aussi de reconfiguration voire de renforcement des liens intimes. Vues sous cet angle, les séparations ont plus à dire qu’une seule histoire du déchirement et de la perte. Ces questions pourront, sans exclusive, être déclinées dans les directions suivantes :
- Les effets de la séparation sur les rôles familiaux : comment les relations familiales (entre maris et femmes, entre parents et enfants mais aussi au sein de la famille élargie) sont-elles transformées par l’exil ?
- Séparation et émancipation des femmes : comme c’est le cas pour le veuvage, l’exil laisse souvent les femmes en position de cheffes de famille : quelles sont les fonctions nouvelles qui leur échoient ? Cette perspective pourra être poursuivie jusqu’à l’étape des retrouvailles : quels sont les effets dans la durée de la redéfinition de la place des femmes dans la famille ? n’est-elle que ponctuelle ?
- Histoire de l’intimité familiale au prisme de l’exil : la séparation fournit aux historienn·ne·s des sources sans équivalent pour entrer dans l’intimité des familles : la distance que l’exil fait naître au cœur de l’espace domestique contraint à un passage par l’écrit pour des interactions du quotidien – organisation de la maisonnée, éducation des enfants –, qui ne laissent guère de traces en temps normal et que l’exil met en lumière.
- Les effets psychologiques de l’exil en famille : au-delà de la séparation par l’exil, le colloque s’intéressera également aux séparations dans l’exil, qui peuvent être ou non le résultat du déracinement : les familles qui s’exilent en bloc peuvent se ressouder au contact d’un nouvel environnement, mais l’expérience de la migration est aussi parfois destructrice de liens : on s’intéressera ainsi aux couples qui se séparent après l’exil, ou aux enfants jeunes et moins jeunes qui quittent la cellule familiale et l’enfermement qui peut y être liée en contexte d’exil.
- La gestion administrative de la séparation : comment les autorités de contrôle de la migration prennentelles en compte les séparations qui résultent de leur décision d’accueillir, de repousser, d’expulser des exilés ? Quel traitement des suppliques adressées à l’autorité pour limiter les effets de la séparation ? Quelles possibilités de regroupement familial avant la lettre ?
Organisation : Sylvie Aprile, Delphine Diaz, Antonin Durand, Romy Sánchez
=> Programme
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