Soutenance de thèse — Magali Domain
Soutenance de thèse18 décembre 2025 à 13h30
Salle F.044, Maison de la recherche, ULille, Campus du Pont-de-Bois, Villeneuve d'Ascq
Soutenance de Magali Domain, Le littoral septentrional français : un arrière-front au cœur de la Grande Guerre (1914-1919)
Le jury est composé de
Jean-François Condette, directeur de thèse (IRHiS, ULille)
Xavier Boniface (UPicardie Jules-Verne)
Emmanuelle Cronier (UPicardie Jules-Verne)
Stéphane Lembré (IRHiS, ULille)
Stéphane Michonneau (UPEC, Paris)
Laurence Van Ypersele (UCLouvain)
Clémentine Vidal-Naquet (URouen-Normandie)
Résumé : Jouissant d’une situation hautement stratégique, à proximité immédiate du front belge et à quelques encablures de l’un des théâtres majeurs de la guerre sous-marine dans la mer du Nord, le littoral septentrional français constitue une bande de territoire soumise à toutes les pressions et contraintes inhérentes à une position d’arrière-front, sur un mode amplifié dans la mesure où ce territoire, structuré par trois grands ports de commerce, a constitué tout au long de la guerre un objectif à portée de mains des Allemands. L’évolution de ce littoral placé dans la zone des armées et bien connecté par voie ferroviaire aux fronts de l’Yser et de la Somme, est intrinsèquement liée à son rôle dans la logistique de guerre non seulement de l’armée française mais aussi de l’armée belge qui fait de Calais une grande base de repli, et de l’armée britannique qui s’implante d’abord à Boulogne-sur-Mer mais aussi à Dunkerque et à Calais. Des soldats cantonnent dans tout l’arrière-pays, d’autres sont soignés dans les nombreux hôpitaux militaires qui couvrent le littoral septentrional, transformé en une très vaste base sanitaire. Le littoral septentrional français accueille également des lieux de pouvoir transférés depuis les régions occupées par les Allemands ainsi que des conférences internationales. Les soldats alliés nouent des contacts avec la population civile, de façon à la fois limitée et circonscrite. Le littoral septentrional, vit pendant tout le conflit et durant les mois qui suivent l’Armistice au rythme de l’élément militaire, qui impose sa gouvernance. Les pouvoirs civils n’en restent pas moins très mobilisés pour obtenir un renforcement de la protection de leurs administrés face aux bombardements. Les villes portuaires du littoral septentrional sont en effet très exposées à la violence de guerre, de façon d’autant plus marquée qu’elles se situent à une plus grande proximité du front terrestre mais aussi du front maritime : ainsi, Dunkerque est-elle particulièrement touchée, non seulement par des raids aériens mais aussi par des tirs effectués par canon à longue portée depuis la terre et depuis la mer. Si l’on enregistre un exode partiel face à cette menace, la population, globalement, tient bon. Calais et, dans une moindre mesure Boulogne-sur-Mer, ne sont pas épargnées. Les ports constituent en effet une cible privilégiée pour l’ennemi : parvenir à les bloquer, c’est entraver toute la logistique alliée. Face à une explosion des importations et à la congestion chronique du rail, les ports doivent augmenter leurs rendements et leurs capacités d’évacuation des marchandises : cela passe par un renforcement de leur outillage et de leurs espaces de stockage et par le recours à des moyens de transport additionnels (barges de mer, ferry-boat). Dockers professionnels et non professionnels, travailleurs chinois, prisonniers de guerre et femmes participent aux opérations de manutentions aux côtés des militaires, non sans certaines tensions. Malgré les bombardements, la production économique se poursuit. Construction navale à Dunkerque, aciérie et cimenteries dans le Boulonnais, usine de chimie organique à Calais travaillent pour le compte de la défense nationale. D’autres activités fortement implantées dans la région (pêche, dentelle mécanique à Calais) s’avèrent résilientes, tandis que l’économie balnéaire apparaît comme la grande perdante du conflit. Bon nombre de réfugiés, en provenance de la Belgique et des zones du Nord-Pas-de-Calais envahis se sédentarisent sur le littoral, notamment dans les stations balnéaires (Berck, Le Touquet), ce qui accroît une pression démographique déjà très forte en raison d’une présence militaire massive, laquelle s’est accompagnée d’un cortège de contraintes pour les populations. Envisagé sous ses aspects sociaux, économiques mais aussi environnementaux, le devenir du littoral septentrional français durant la Grande Guerre éclaire la façon dont a été vécue l’épreuve du conflit à l’arrière-front.