DoMA
DoMA - eCorpus
Historique et présentation
Le projet DoMA est héritier du projet eThesaurus (CPER MAUVE—2018-2023).
Ce dernier a été porté par le consortium du même nom : co-direction Marc Gil (IRHiS, ULille) et Pierre Hallot (Diva, ULiège) en collaboration avec Thibault Guillaumont (société Holusion) et une équipe de chercheurs, universitaires et conservateurs de musées, Frédéric Tixier (Université de Lorraine), Christine Descatoire (conservatrice générale au musée de Cluny), Philippe George (conservateur du Trésor de la cathédrale de Liège), Sophie Dutheillet de Lamothe (conservatrice au Palais des Beaux-Arts de Lille) et Romain Saffré (directeur des musées de Saint-Omer).
Le projet eThesaurus était un projet en Histoire de l’art (2018-2023) qui prenait position dans l’histoire des techniques de fabrication de l’œuvre d’art médiévale. Il s’intéressait aux objets d’orfèvrerie du Nord de la France et dans les Flandres entre les XIIe et XIIIe siècles pour améliorer la compréhension le leurs techniques de réalisation et d’assemblage.
L’assise technologique d’eThesaurus (L’orfèvrerie médiévale à l’épreuve de la modélisation numérique : Valorisation d’œuvres septentrionales et leur exploitation scientifique pour la création d’un e-corpus) reposait sur deux points :
- Le premier concernait l’adaptation du processus de numérisation par photogrammétrie, par l’inclusion de lumières polarisées croisées durant la phase de photographie, pour l’adapter au contrainte optique de réflectance et de transparence qu’oppose depuis toujours l’objets orfévrés à tout type de dispositif de captation photographique.
- Le second fut le développement d’une solution logicielle pouvant répondre aux besoins d’accessibilité, de manipulation et de documentation des modèles 3D obtenus. L’application eCorpus, développée en Open Source, d’abord par un ingénieur d’étude recruté à cet effet, puis par la société Holusion (sur la base de la SI 3D du Smithsonian Institute de Washington) a répondu à ce besoin.
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Financement par la FR SCV
Responsables : Élise Baillieul, Mathieu Beaud (IRHiS)
DoMA
À la suite d’eThesaurus, le projet DoMA (intégration de DOnnées Multidimensionnelles et Anastylose virtuelle) a été fondé en 2024 et a reçu un financement CPER Enhance pour être adossé à la Fédération de Recherche, Science et culture du Visuel (Tourcoing, La plaine image).
DoMA, qui bénéficie de l’expérience de numérisation acquis par eThesaurus, est un projet scientifique qui prend cette fois position dans le domaine de la reconstitution d’œuvre d’art du Moyen Âge, et particulièrement celle de l’œuvre monumentale par la reconstitution par anastylose (la reconstitution d’un monument à partir de ses propres vestiges).
DoMA convoque l’outil eCorpus dans son processus de recherche pour adapter à ses besoins le versant « sémantisation » et développer du même fait les possibilités du logiciel en matière d’édition de modèles 3D.
1. eCorpus
DoMA est donc l’occasion d’interroger les possibilités d’un outil et de stimuler son développement en l’intégrant à son processus de réalisation. L’outil est l’application eCorpus.
1.1. Visualisation
eCorpus est, très concrètement, un outil de création de bases de données 3D proposant des outils de visualisation, d’enrichissement sémantique et de scénarisation.
Pour rendre le modèle 3D visualisable, celui-ci est est positionné dans une Scène, c’est à dire un espace virtuel qui rend possible la manipulation du modèle devenu objet dans un environnement en 3 dimensions ; il permet également restituer un contexte de perception en faisant varier les éclairages, les points de rotation et de bascules et la position des axes de vue.
1.2. Édition
- Dans ce contexte de visualisation (la scène) tout un appareil d’information peut être ajouté sur le modèle pour l’enrichir.
- Les données de la scène (différents formats de fichier) et les objets 3D (en différents format) sont structurées et décrites dans un fichier textuel au format Json. Cette structure de données permet interrogeabilité et interopérabilité des scènes 3D.
Ainsi, plusieurs niveaux d’information sont de la sorte structurées et documentées.
- Les métadonnées du modèle sont prises en charge.
- Les annotations, c’est a dire l’identification d’un point dans l’espace de la scène, à la surface du modèle, auquel des informations sont attachées. Il s’agit dans son format éditorial d’une étiquette épinglée sur le modèle. Ces entrées peuvent être catégorisées par des marqueurs qui sert pour le moment à structurer l’information distribuée sur le modèle.
- Les articles : c’est à dire des fichiers texte enrichis (html, markdown, etc.) aptes à structurer une grande variété de contenus. Ces articles peuvent être liés aux annotations (un article par annotation).
- Les visites guidées : La structuration de ces couches de données permette de constituer un discours scénarisé sur l’œuvre en concevant des visites convoquant à la fois la visualisation (les angles de vue) et l’information (annotation et articles).
=> Fonctionnalité qui trouve une application pédagogique et de valorisation.
1.3. Partage et traçabilité
Enfin, eCorpus est une solution open-source, décentralisée et collaborative de gestion de collections de scènes 3D.
- Gestion d’utilisateurs, de droits et des licences.
- Traçabilité des modifications et éditeurs sur chaque scène (les versions)
- Sécurisation et conservation des données
Ce qui en fait une base de données fiable pour la conservation, la documentation et la gestion de modèle 3D. / + une solution pour l’accessibilité multi-plateforme des données 3D : web, mobile, AR/VR et dispositifs numériques hors-les-murs.
2. DoMA–eCorpus et les besoins du chercheur
Deux possibilités du logiciel peuvent répondre aux besoins du chercheur amené à utiliser les technologies de l’imagerie 3D.
- il s’agit d’une solution de visualisation et d’édition décentralisée et Open Source qui permet de garder une liberté sur les fichiers produits et sur le choix des outils durant la chaîne du processus de la recherche.
- Il permet un accès rapide à la visualisation des fichiers offre des critères de fiabilité et de sécurité pour leur conservation
- Mais, bien entendu, son potentiel d’enrichissement sémantique pourrait répondre à un besoin de documenter des données de la recherche sur l’objet.
Pour le moment, eCorpus a été appliqué à l’objet d’orfèvrerie et l’un des objectifs de son développement serait de l’intégrer à un projet scientifique visant la reconstitution monumentale par anastylose (reconstruction concrète ou virtuelle d’une unité monumentale à partir de ses propres vestiges).
- Objectifs de la partie "anastylose
L’idée est née de la possibilité qu’offre l’application d’afficher plusieurs modèles dans une même scène. Si les modèles pouvaient être manipulés à l’intérieur de cette scène, il serait alors possible de travailler dans l’eCorpus à la restitution virtuelle d’éléments architecturaux aujourd’hui fragmentaires (= anastylose virtuelle)
Ce travail de remontage et de complétude soulève inévitablement la question de présentation des différentes hypothèses de restitution. En proposer une image fixe, qu’elle soit en 2D ou en 3D, revient en effet toujours à montrer une solution « définitive », en tout cas trop peu représentative des différents questionnements qui ont traversé tout ce travail de réflexion.
Ainsi, même si pour le processus de reconstitution lui-même, le passage par un logiciel d’infographie 3D semble inévitable pour le moment, eCorpus offrirait une solution de travail collaboratif et de visualisation des différentes hypothèses de remontage
L’annotation possible dans l’eCorpus serait là un atout et la scénarisation devrait permettre la présentation de plusieurs hypothèses envisagées. - Point de départ : le travail sur le portail de Corbei
Le point de départ de ces développements est un projet déjà mené avec la plateforme Archéovision de manière un peu plus traditionnelle sur le portail disparu de Notre-Dame de Corbeil. Aujourd’hui nous travaillons avec Holusion à partir de ce jeu de données existant à décomposer les éléments et la démarche et nous travaillerons prochainement aux différentes modalités de recomposition. - Quelques nœuds identifié
Parmi les nœuds déjà identifiés il faut déjà citer la question de l’échelle d’affichage des objets, encore trop aléatoire. Le recalage des objets les uns par rapports aux autres serait également à retravailler pour offrir une sorte de guide. - In fine, nous verrons si nous aboutissons à une solution suffisamment conviviale pour permettre la manipulation directe de l’outil par un historien de l’art pendant l’étape de réflexion, ou bien nous nous limiterons à une modalité de présentation un peu sur mesure
3. Projet DoMA : axe de recherche principal
3.1. Le portail de l’ancienne abbatiale Notre-Dame d’Arthous (département des Landes).
Le cœur du projet se situe dans le département des Landes, au Centre départemental du patrimoine d’Arthous (commune d’Hastingues, Landes) qui conserve un fonds lapidaire provenant de l’ancienne abbatiale Sainte-Marie d’Arthous. Ce fonds présente de nombreux avantages :
=> Il est conservé dans d’excellentes conditions, entièrement inventorié et la restauration de nombreuses pièces (notamment le tympan) a produit des données d’analyse surtout physico-chimique et a déjà fait l’objet d’hypothèses de restitution en 2D à partir de ce matériel lapidaire.
=> Ce dépôt a, l’autre avantage, de concerner une unité monumentale, l’ancien portail sculpté de l’abbaye daté du XIIe siècle, ce qui en fait un excellent sujet pour perfectionner l’usage d’eCorpus dans un travail de reconstitution par anastylose.
Le partenariat avec le Centre départemental du patrimoine d’Arthous et le projet DoMA offre la possibilité de mettre en œuvre toute la chaîne opératoire d’un projet de reconstitution par anastylose en utilisant les possibilités du logiciel eCorpus.
- La phase d’acquisition est prévue pour le printemps 2025. Chaque pièce du dépôt sera scannée par lasergrammétrie (pour les pièces les plus importantes) à l’aide d’un scanner à main et par photogrammétrie (pour les pièce plus modestes), en même temps que seront recueillies les données de la recherche déjà existantes.
- Le travail scientifique de reconstitution aura lieu dans un logiciel d’infographie 3D. Nous espérons ici une restitution plus fiable, les modèles acquis par lasergrammétrie étant nativement à l’échelle (et ceux acquis par photogrammétrie auront été mis à l’échelle).
- eCorpus, dont une instance a été installée à la FR SCV, servira d’abord de base de données pour le stockage, la documentation, la gestion et le partage des pièces lapidaires scannées mais aussi,
- à l’intégration des données de la recherche existantes et produites in situ comme aide à la décision dans le process de reconstitution, mais aussi comme outil collaboratif servant à la manipulation et à la documentation des pièces.
- eCorpus servira enfin à la restitution, avec intégration des données de la recherche (eCorpus) pour un rendu final à concevoir comme un résultat scientifique, mais pouvant également servir de livrable pour les besoins de valorisation du centre d’Arthous.
Sur ce point, les partenariats mis en place dans la mise en œuvre du projet posent de nombreuses questions de droits et de licences applicables aux données produites durant le projet et auxquelles nous travaillons à trouver des solutions dans le cadre de conventions.
- Les données d’acquisition acquises durant la phase de numérisation. C’est à dire les données brutes (scans, photographies et mesures) nécessaires à la modélisation.
- Les modèles 3D qui résulte de la phase de reconstitution faisant suite à la phase d’acquisition. Une même phase d’acquisition pouvant donner suite à plusieurs modèles de qualité différente d’un même objet.
- La Scène 3D dans lequel le modèle est positionné pour être visualisable et manipulable dans l’application eCorpus et qui peut être partagé.
- Scène 3D ou Modèle 3D édité par l’adjonction d’éléments de toute nature (textuelle, visuelle, sonore) qui peuvent résulter soit de données existantes, soit de données produites, soit d’une production intellectuelle.
4. Application pédagogique
Le projet DoMA profite également du dialogue que nous entretenons, en tant qu’enseignants-chercheurs, entre la conception et la mise en œuvre du projet scientifique et notre enseignement. Ce projet a ainsi nourri un cours expérimental conçu par Mathieu Beaud qui a permis de mettre à l’épreuve eCorpus sur plusieurs points.
Ce cours est encore dans sa phase expérimentale. Il concerne des étudiants de 3e année de Licence en Histoire de l’art et consiste en la réalisation, en groupe, d’édition d’un modèle 3D numérisé par les étudiants eux-mêmes. Il a été expérimenté une première fois durant l’année universitaire 2023-2024, supporté par une dotation de l’Université de Lille sur appel à projet.
- En partenariat avec le Palais de Beaux-Arts de Lille, les étudiants ont procédé à la numérisation photogrammétrique d’objet d’art conservé au Palais des Beaux art à l’aide de tablettes équipées de lidars sur lesquels avait été installée l’application Scaniverse
- Les modèles ont ensuite été édités à l’aide d’eCorpus durant des séances de travaux pratiques en salle de classe à l’Université de Lille.
- Les modèles ont enfin été exposés sur une borne holographique (à la Bibliothèque de recherche de l’IRHiS) pour servir de modèle aux étudiants de l’année suivante.
L’année 2024-2025 fut et sera l’occasion de procéder à une seconde itération du cours, toujours en partenariat du PBA de Lille mais aussi avec celui de la Piscine de Roubaix pour renforcer les cours des étudiants sur site et pour le déployer aux étudiant à distance (l’Enseignement à distance étant une spécificité du Département Histoire de l’art et archéologie) et la prochaine itération se fera avec la collaboration du Musée de Cluny à Paris.
- Les résultats du cours se mesurent d’abord sur le plan de l’enseignement de l’histoire de l’art puisqu’il permet de confronter l’étudiant à l’œuvre d’art en l’obligeant à lui porter un regard prolongé en vue d’anticiper sa numérisation.
À expérimenter la question très ancienne pour l’histoire de l’art de la restitution photographique de l’œuvre : la numérisation 3D n’étant qu’une restitution de l’objet par l’application d’une texture photographique sur modélisation géométrique de l’objet pouvant servir de document d’un autre degré de fiabilité pour l’historien de l’art
Le cours oblige également l’étudiant à restituer ses connaissances acquises durant une phase de recherche (accompagnée par l’enseignant) selon un format inédit pour lui : il ne s’agit plus d’une dialectique articulée sur un axe linéaire sur l’œuvre d’art mais d’une distribution de l’information sur l’objet lui-même selon les trois niveaux de l’information évoqués plus haut ; ce changement d’approche oblige l’étudiant à catégoriser l’information en amont selon les axes d’analyse qui se dessinent durant la phase de recherche. Enfin, la visite (le storytelling) l’amène à concevoir un discours historien de l’art sur l’œuvre, selon des axes bien distincts et, surtout, l’oblige à placer l’objet d’art au centre et au départ de tout. - D’un point de vue pédagogique, en termes de littératie numérique des étudiants, le cours stimule
=> La notion de chaîne de mise en œuvre d’un projet numérique de la phase acquisition à la phase d’édition. Durant cette phase, la question de l’export des fichiers d’une application à l’autre servant d’outil à chaque étape du projet est abordée (Scaniverse, eCorpus). L’accent est mis sur les avantages et limites du logiciel Open Source
=> Le travail collaboratif : l’enseignant met en place plusieurs outils pour faire travailler en collaboration et efficacement des groupes de 3 à 4 étudiants sur un format de 24h par étudiants d(travail sur le cloud de l’université, usage du chat, d’outil type padlet pour aider à la catégorisation de l’information)
=> Notion de structuration de l’information, d’hypertextualité, d’identifiants de référence et d’archive en ligne dans le cadre de l’augmentation sémantique d’un objet.- D’un point de vue technologique le cours a conduit à certains développements de l’application, notamment la possibilité du travail collaboratif (plusieurs utilisateurs peuvent travailler sur le même modèle en même temps) et sur la gestion de la base de données que représente chaque instance de l’application : notamment en termes de gestion d’un nombre important de modèle (une soixantaine dans le cadre de ce cours cette année)
- Ce cours doit encore pouvoir sortir de sa zone d’expérimentation et, pour être reproductible et viable, ces développements doivent être encore éprouvés.
5. Perspectives
Dans le cadre du projet DoMA, plusieurs fonctionnalités nécessaires pour un emploi scientifique ont, d’ores et déjà, été développées :
- le mode collaboratif
- l’intégration de plusieurs modèle dans une seules scènes
Le mode principal de l’édition étant conçu via les articles structurés en html, il est possible pour le moment d’adjoindre au modèle des données sous divers formats, ce qui facilite pour le moment l’adjonction de données existante non encore traitées ou interprétées.
L’objectif qui dépasse le cadre du projet DoMA concernent donc en priorité
- L’interprétation des données dans l’enrichissement sémantique des modèles
- Dans le cadre de données existante (dans la majorité des cas d’études)
- Des données produites
- L’interrogeabilité de ces données, dans le périmètre du modèle et de toute une base eCorpus
Ces questions se posent par exemple pour l’étude du Pied de Croix de Saint-Bertin (Musée Sandelin de Saint-Omer) qui a fait dans le cadre du projet eThesaurus d’analyses physico-chimique par le C2RMF, avec le Cyclotron New Aglae. Ce qui a produit d’importante données pour l’analyse des métaux et des émaux de l’objet sur des points d’entrée précis choisi à la surface de l’objet et qui pourrait être ainsi distribuées sur le modèle. - L’auctorialité. Ces données et les imageries produite dans le cadre de tels projet sont générés par plusieurs acteurs et institutions de la recherche sur différent niveau d’imagerie et de restitution opérée par différent dispositif, qui posent la question de l’auctorialité et des droits dans le cadre d’un projet.
6. Questions possibles
- Formats des fichiers 3D / possibilité au contact de l’archéologie d’intégrer d’autres type de format, notamment les nuages de point.
=> La question : intégration dans processus de travail du chercheur : garde la liberté de concevoir sa chaîne opératoire car liberté sur les fichiers produits. - Plan de gestion des données ?